“Des jardins flambant neufs en hommage à André Le Nôtre !”
La ville de Versailles accueille, du 1er au 3 juillet, les Rencontres Le Nôtre, sous la direction de l'interprofession Val'hor et en partenariat avec la Fédération française du paysage (FPP). Nadège Bégard et Cathy Biass-Morin, respectivement paysagiste et directrice du service des espaces verts de la ville, ont mené de front plusieurs chantiers pour faire découvrir aux participants de nouveaux jardins...
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Dans un contexte de contraction budgétaire, une collectivité s'est particulièrement distinguée ces derniers mois par le nombre de chantiers d'espaces verts mis en oeuvre : il s'agit de Versailles (78). Mais cela s'explique : nous fêtons cette année le 400e anniversaire de Le Nôtre, et le nom du paysagiste est étroitement associé à celui de la préfecture des Yvelines, à son château et au fameux « trident », les trois avenues qui partent du château : celle de Paris, au centre, entourée de celles de Saint-Cloud et de Sceaux. « La mise en place de jardins flambant neufs est un hommage au jardinier paysagiste », explique Cathy Biass-Morin, directrice du service des espaces verts de la ville. Durant trois jours, la semaine prochaine, la filière horticole a d'ailleurs rendez-vous près du château pour les journées Le Nôtre (voir l'encadré). L'occasion de découvrir ces espaces réaménagés, transformés, voire créés de toute pièce. À Versailles, l'un des maîtres mots de l'aménagement paysager est la porosité urbaine. « Entre les trois avenues du trident, l'urbanisme est très dense et le domaine privé a souvent pris le dessus sur l'espace public, poursuit Cathy Biass-Morin. Notre objectif était donc d'ouvrir des espaces dans cet habitat en y créant des percées vertes ouvertes à la circulation, douce si possible. »
Le jardin des senteurs, inauguré en avril dernier, illustre cette idée.Situé tout près du château, il est entièrement dédié aux parfums. Un musée y a été créé et le bâti a été vendu pour que viennent s'installer des marques de parfum de prestige. Quatre l'ont fait. Dans le prolongement de la place, le jardin des senteurs s'étire sur des passages étroits ponctués de quadrilatères classiques pour des jardins. En tout, sur 3 600 m2, le visiteur peut s'enfoncer au coeur du quartier Saint-Louis et découvrir la cathédrale éponyme en déambulant dans des espaces dédiés au parfum. Des cabinets à herboriser, supports pédagogiques informant sur le nom des matières premières végétales des parfumeurs, précèdent le jardin des senteurs. Leur concepteur, le paysagiste Nicolas Gilsoul, a choisi de nombreuses essences parfumées, parmi lesquelles beaucoup de rosiers, mais aussi des Osmanthus, sauges, Galium odoratum, violette, amandier, amélanchier... « Nous avons réalisé un gros travail en amont avec Nicolas Gilsoul pour choisir les végétaux en visitant diverses pépinières, parmi lesquelles André Eve pour les roses ou Plantagenêt pour les géraniums odorants », précise Cathy Biass-Morin.
À quelques centaines de mètres de là, le jardin des musiciens italiens a été inauguré tout récemment. Il tire son nom du fait qu'il jouxte le bâtiment où logeaient, à l'apogée de la magnificence du château, les musiciens de la cour. Mais il a surtout la particularité d'avoir appartenu à un botaniste et pépiniériste, Louis-Guillaume Le Monnier, au XVIIIe siècle. Il y a planté un cèdre, toujours présent et devenu immense et magnifique. Il a évidemment été conservé et, de tous points du jardin, la vue sur ce repère incontournable a été privilégiée dans le cadre d'un projet de réhabilitation qui s'est terminée au cours du dernier printemps. Le site comportait deux parties, l'une à la française, l'autre à l'anglaise, selon la mode dominante au XVIIIe siècle. C'est ce dernier style que la réhabilitation a privilégié, avec une forte volonté de diversifier la palette végétale. « Le jardin était largement planté de buis, d'ifs, de houx et de noisetiers, une palette assez pauvre, indique Nadège Bégard, paysagiste à la direction des espaces verts et qui a assuré la conception du site. Nous avons planté des rhododendrons et des végétaux intéressants pour leur couleur automnale et pour leur écorce en hiver, en puisant dans le catalogue de Louis-Guillaume Le Monnier. » Désormais, un écran végétal à l'entrée haute du jardin empêche le visiteur de découvrir le site avant d'y avoir pénétré. Composé d'allées stabilisées, le jardin est entièrement accessible aux handicapés. En entrée basse, une haie d'épineux et d'arbustes à baies vise à favoriser la reproduction des oiseaux. Deux amélanchiers cachent au visiteur la maison des italiens, toujours dans l'idée de faire découvrir de nouveaux centres d'intérêt à chaque avancée...
Certaines réalisations ne seront pas entièrement terminées début juillet. C'est le cas du jardin des étangs Gobert, dans le quartier des Chantiers. Ce jardin aurait d'ailleurs pu ne jamais voir le jour si François de Mazières, tout juste élu maire de la ville en 2008, n'avait pas souhaité protéger ce site historique et avait laissé faire un projet de 2 x 2 voies de circulation en pleine ville. Mais les étangs Gobert, deux pièces d'eau historiques qui alimentaient au XVIIe siècle les fontaines du château de Versailles, méritaient d'être mises en valeur plutôt que détruites. Le paysagiste Michel Desvignes, qui assure la maîtrise d'oeuvre du quartier situé au bout de l'avenue de Sceaux, l'une des fameuses branches du trident, a donc proposé de réaliser, autour de la gare de Versailles Chantiers, un poumon vert conçu à proximité du pôle multimodal, assurant la liaison entre le réseau de trains et celui des bus. Les étangs ont non seulement été sauvés, mais l'un d'entre eux, le bassin carré (8 000 m2), est devenu une pièce maîtresse du nouvel espace vert. Au fil du temps, une forêt de pins sylvestres, saules et bouleaux en avait envahi le fond. Une large part de ces arbres a été abattue, un gigantesque banc « à circonvolutions » de 90 m de longueur, dessiné par l'architecte Inessa Hansch, occupe l'espace central. Une importante replantation de chênes rouvres, charmes, érables champêtres et pruniers des oiseaux a été réalisée pour faire du fond de l'étang un espace de repos et de découverte du patrimoine historique.
La zone du château a, elle aussi, bénéficié d'innovations pour 2013. L'allée Le Nôtre, tracée par le paysagiste entre la pièce d'eau des Suisses et l'étoile de Choisy, soit 3,2 kilomètres, a été reconstituée sous la direction de Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques. L'opération visait à redonner au site toute sa dimension, en particulier en y plantant un double alignement de chênes. Ce chantier illustre par ailleurs les conditions dans lesquelles ont été conduits les aménagements au cours de l'hiver qui vient de se terminer : de grandes opérations de plantation menées par des entreprises confrontées à des délais serrés malgré des conditions météo épouvantables. Espérons que, début juillet, le temps saura enfin se montrer clément...
Enfin, dans Versailles, plusieurs réalisations de land art ont été prévues pour disséminer le végétal dans les endroits les plus inattendus. Comme sur ce poste EDF, couvert de mousse par l'artiste et décorateur François Abelanet. Un travail rendu possible grâce à un partenariat avec Sopranature. La mousse est alliée à de la cellulose pour pouvoir se dévellopper sur le mur et y créer un espace de vie. Plus loin, dans le parc Balbi, un bosquet de bambous a été réalisé par Laurent Weiss, spécialiste des tressages végétaux, et un jardin à empreinte a été créé par Isabelle Aubry, qui se définit comme « artiste de nature et du végétal ». Des fleurs urbaines sont installées sur l'avenue de Saint-Cloud. Ces opérations ponctuelles, menées grâce au mécénat d'entreprise devraient animer les conversations lors de Rencontres de Versailles, voire donner des idées à tous ceux qui feront le déplacement...
Pascal Fayolle
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